Cendres
Il sāest abattu sur la ville de Saint Vinceslas
ā Lāincendie, ainsi, deŅvore les herbes ā
Apre`s avoir joueŅ avec les facettes de Bohe ļ¤ me!
ā La cendre, ainsi, couvre les ba ļ¤ timents,
La tempe ļ¤ te de neige, ainsi, balaye les jalonsā¦
De lāEden ā Tche`ques, dites-le! ā
Que reste-t-il? Des cendres.
ā La Peste, ainsi, reŅjouit les cimetie`res!
Il sāest abattu sur la ville de Saint Vinceslas
ā Lāincendie, ainsi, deŅvore les herbes ā
Une deŅcision ā cāest votre dernier deŅlai:
ā Lāeau, ainsi, sāapproche des fene ļ¤ tres,
La cendre, ainsi, couvre les ba ļ¤ timentsā¦
Par-dessus les ponts et les places
Pleure, il pleure le lion biceŅphaleā¦
ā La Peste, ainsi, reŅjouit les cimetie`res!
Il sāest abattu sur la ville de Saint Vinceslas
ā Lāincendie, ainsi, deŅvore les herbes ā
LāeŅtouffement, sans freŅmir
ā La cendre, ainsi, couvre les ba ļ¤ timents:
Faites signe, a ļ¤ mes vivantes! Prague
Aujourdāhui plus deŅserte que PompeŅi:
Un pas, un bruit ā nous cherchons en vainā¦
ā La Peste, ainsi, reŅjouit les cimetie`res!
A lāallemagne
Oh, jeune fille aux joues les plus roses
Parmi les montagnes vertes ā
Allemagne!
Allemagne!
Allemagne!
Quelle honte!
Tu as empocheŅ la moitieŅ de la carte du monde,
Ame astrale,
Jadis, tu faisais re ļ¤ ver par tes contes,
Aujourdāhui, ā tu avances tes chars.
Devant la paysanne tche`que ā
Tu foules le bleŅ de ses espoirs
Sous les roues de ton char
Et ne baisses pas les yeux?
Devant lāinfinie tristesse
De ce petit pays ā
Vous, les Germains, fils
De la Germanie, que sentez-vous?
O manie! O momie
De la grandeur!
Tu vas bru ļ¤ ler,
Allemagne!
Folie,
Folie,
Ce que tu fais.
Lāhercule triomphera
Des liens du serpent!
A ta santeŅ, Moravie!
Et toi, Slovaquie, sois slovaque!
Tu recules, dans les sous-sols
Du cristal et ā tu preŅpares le coup:
Bohe ļ¤ me!
Bohe ļ¤ me!
Bohe ļ¤ me!
Salut!
Ils ont pris
Les Tche`ques sāapprochaient des Allemands
et crachaient.
(Voir les journaux mars 1939)
Ils prenaient ā vite et ils prenaient ā largement:
Ils ont pris les sommets et ils ont pris les treŅfonds,
Ils ont pris le charbon et ils ont pris lāacier,
Et notre plomb, et notre cristal.
Ils ont pris le sucre et ils ont pris le tre`fle,
Ils ont pris lāOuest et ils ont pris le Nord,
Ils ont pris la ruche et ils ont pris le bleŅ,
Ils ont pris notre Sud et lāEst aussi.
Vary ā ils ont pris et les Tatras ā ils ont pris,
Ils ont pris le proche et ils ont pris le lointain,
Et ā pire encore que le paradis sur terre! ā
Ils ont vaincu ā sur le sol natal.
Ils ont pris les balles et ils ont pris les fusils,
Ils ont pris les minerais et ils ont pris lāamitieŅ...
Mais tant quāil y a de la salive dans la bouche
Tout le pays est en armes.
Foret
On taille ā tu as vu! ā On taille,
On taille! ā Apre`s un che ļ¤ ne ā un che ļ¤ ne.
Abattu, il ressuscite. Elle
Ne meurt pas ā la fore ļ¤ t.
Elle meurt; la fore ļ¤ t, puis
Elle reverdit ā a` la minute! ā
(La mousse ā une fourrure verte)
Il ne meurt pas, le Tche`que.
Non pas des diables, qui poursuivraient un moine,
Non pas le malheur ā qui poursuivrait un geŅnie,
Et non pas lāavalanche, qui nāest pas un amas,
Et non la vaste monteŅe des inondations.
Non pas le rouge incendie des fore ļ¤ ts,
Non pas le lie`vre ā dans la colline,
Non pas le roseau ā sous lāorage, ā
Apre`s le fuī£hrer ā les furies.
Tu ne mourras pas, peuple!
Dieu te garde!
De ton cļur tu as donneŅ ā le grenat,
De ta poitrine tu as donneŅ ā le granit,
Prospe`re, peuple ā
Dur comme les Tables de la loi,
Chaud comme le grenat,
Pur comme le cristal.
Il est temps! Pour ce feu-la` ā
Je suis vieille!
ā Lāamour ā est plus vieux que moi!
ā De cinquante fois janvier,
Une montagne!
ā Lāamour ā est encore plus vieux:
Vieux, comme un pre`le, vieux, comme le serpent,
Plus vieux que lāambre de Livonie!
Et plus vieux que tous les bateaux fanto ļ¤ mes!
Que les pierres, plus vieux que les mersā¦
Mais le mal, dans ma poitrine ā est plus vieux
Que lāamour, plus vieux que lāamour.
Sur le cheval rouge
a` Anna Akhmatova
Et grand ouverts, grand ouverts ā les bras,
Les deux en croix.
Et renverseŅe! Va, pieŅtine-moi, lāeŅquestre!
Que mon esprit, jailli des co ļ¤ tes, monte ā vers Toi,
CreŅature
De femme non terrestre!
Pas la Muse, non, pas la Muse,
Qui donc, au-dessus de mon pauvre landau
Me berc ļ² ait de chansons,
Par la main ā qui donc me conduisait?
Pas la Muse. Qui donc reŅchauffait
Mes mains froides, mes paupie`res bru ļ¤ lantes
Qui les rafraļchissait?
Qui deŅgageait les me`ches de mon front? ā Pas la Muse,
Qui māemmenait a` travers les grands champs? ā Pas la
Muse.
Pas la Muse, nulle tresse noire, nul bijou,
Nulle fable ā deux ailes cha ļ¤ tain clair: voila` tout.
Courtes ā surplombant chaque sourcil aileŅ.
Torse harnacheŅ.
Panache.
Lui nāa pas veilleŅ sur mes le`vres,
Ni beŅni mon sommeil.
Ni pleureŅ avec moi
Sur ma poupeŅe briseŅe.
Tous mes oiseaux ā pour la partance
Il les la ļ¤ chait ā puis ā lāeŅperon nerveux,
Sur son cheval rouge ā entre les monts bleus
De la deŅba ļ¤ cle fracassante.
ā Oh! les pompiers! Partout c ļ² a hurle!
Lueur du feu ā partout c ļ² a hurle!
ā Oh! les pompiers! Lāa ļ¤ me qui bru ļ¤ le!
Pas la maison, qui bru ļ¤ le?
La cloche dāalarme hulule.
Vas-y, balance-le, ton bulbe,
O cloche dāalarme! Pullulent
Les flammes! Lāa ļ¤ me bru ļ¤ le!
Dansant des ravages du beau,
Aux gerbes rouges des flambeaux
Jāapplaudis ā je bondis ā rugis,
De moi lāeŅclair ā jaillit.
Qui māa tireŅe dāou` c ļ² a crache et gronde?
Quel aigle māa ravie? ā Je māy perds.
Jāai sur moi une chemise ā longue ā
Avec un rang de perles.
Clameur du feu, cliquetis de vitres...
Sur chaque visage, au lieu dāorbites ā
Deux brasiers luisent! ā les lits sāeŅplument!
On bru ļ¤ le! On bru ļ¤ le! On bru ļ¤ le!
Craque donc, milleŅnaire bahut!
Crame, toi ā magot, masseŅ, reclus!
Ma maison: souveraine au-dessus.
Que souhaiter de plus?
Oh! les pompiers! ā Que le feu redouble!
Fronts peintureŅs dāor, tous ā au fourneau!
Incendie: oh! tiens debout, debout!
Que croulent les poteaux!
Soudain quoi ā a crouleŅ ā si soudain!
Un poteau? ā Pas crouleŅ!
Vers le ciel ā fol appel de deux mains ā
Et le cri: Ma poupeŅe!
Qui ā me suivant ā galope, deŅvale,
Me jetant un ļil-juge?
Qui ā me suivant ā roule dāun cheval
Rouge ā a` la maison rouge?
Un cri. De ceux qui passent le mur
Du cri. La foudre, et lui:
Brandit la poupeŅe comme une armure,
Droit comme lāIncendie.
Tsar dresseŅ parmi les feux fugaces,
Et son front se laboure.
ā Je te lāai sauveŅe, ā a` preŅsent: casse!
Et libe`re lāAmour!
Soudain quoi ā a crouleŅ? Pas le monde,
Non! Lui nāa pas crouleŅ!
Mais deux mains ā suivant ā lāeŅquestre, montent
Dāune enfant ā sans ā poupeŅe.
Cruelle lune ā aux volets sāache`ve.
Voila` mon premier ra ļ¤ ve.
EnlaceŅs rudement.
Plus bas: bruit du torrent.
Monte a` nos pieds leŅgers
De lāeŅcume envoleŅe.
EnlaceŅs sans murmure:
Les colonnes dāeŅcume!
Je suis tous ses harems,
Il est tous mes emble`mes.
Brusque entrelacs dāeŅpaules:
Flanc contre flanc, et paumes...
A nos pieds deŅchausseŅs
LāeŅcume vient mousser.
ā Du pont... Chiche! Et sur lāheure!
Que jāy lance une fleur...
Il voit ā et ā simplement
Dāun bond ā dans le torrent!
Est-ce le pont, ou bien moi ā qui tremble?
Sang ou vague ā en eŅmoi?
GlaceŅe, je regarde ā sans comprendre
Ma vie ā qui se noie.
Qui soudain ā dāun grand geste de cape
Me jeta ā vers les cieux?
Qui soudain ā rutilant, fit quāeŅclate
Flamme rouge ā en feu bleu?!
LāeŅclat. Du gouffre triomphe un son:
Lui, dāun saut ā souplement
Soule`ve le corps comme un poisson
Droit comme le Torrent.
Tsar dresseŅ parmi les flots pointus,
Et son front se laboure.
ā Je te lāai sauveŅ, ā a` preŅsent: tue!
Et libe`re lāAmour!
Soudain quoi ā sāest rueŅ? Pas la trombe,
Non! Nulle intempeŅrie!
Mais deux mains ā suivant ā lāeŅquestre, montent
Dāune ā sans ā son ami!
Noir mareŅcage ā aux volets sāache`ve.
Voila` mon nouveau re ļ¤ ve.
Nuit pourchassante ā et pas dāautre voie:
Le sang durcit.
Fils! CreŅation de ma hanche, toi, ā
Guide, conduis!
Brave, en avant! ā LāEsprit des Montagnes
Est un, nous ā deux.
Seuls lāaigle ici et lāaurore gagnent.
Nous ā parmi eux.
Lāouragan! ā Les dieux repartiront,
Lāaigle en a peur...
Plus haut, lāaļneŅ! ā Ces hauts lieux seront
Notre hauteur!
Rongeant la poussiе`re dāici-bas,
Jāenfante un fils ā
Et la Foudre Divine sāabat:
Lāaigle lāa pris!
Cāest a` pic et nu et noir la`-haut!
Ses petits bras: deux barres.
Qui donc, sinon Zeus dans son berceau ā
Tient lāaigle? Nul deŅpart!
Rire. En reŅponse ā ailes en furie,
Griffes ā perceuses: raides.
Qui me suivant ā et dāeŅclairs fit fuir ā
Le tonnerre de lāaigle?!
Ra ļ¤ le. Un rugissement deŅtoneŅ
A pourfendu les monts.
Lui lāa leveŅ comme un Premier-neŅ,
Droit comme lāInvasion.
Tsar dresseŅ parmi lāonde des nues,
Et son front se laboure.
Je te lāai sauveŅ, ā a` preŅsent: tue!
Et libe`re lāAmour.
Soudain quoi ā a craqueŅ? Le cļur dur
Dāun bois sec: nullement!
Mais deux mains ā suivant lāeŅquestre ā dāune
Femme ā sans ā son enfant!
Cruelle aurore ā aux volets sāache`ve.
Cāest mon troisie`me re ļ¤ ve.
FeŅvrier. DeŅformeŅs, les chemins.
Folle neige ā aux champs.
BalayeŅs, tordus ā les grands chemins
Par lāartel des vents.
Tantoļ¤t creļ¤tes que le galop couche,
Et tantoļ¤t ā lāabrupt,
A talonner lāEquestre-Le-Rouge,
Ma route a son but.
Tantoļ¤t la`! A porteŅe de la main!
Taquin: ā touche, va!
Bras absurdement tendus; devient
Neige ā le cheval.
Me`ches du panache dans les yeux?
Ou saule, au virage?
Eh! les marieurs! ā Ni une, ni deux...
Vents: au balayage!
Balayez, amassez les obstacles ā
Plus haut que les rocs,
Que son cheval au sabot dāattaque,
CloueŅ la` ā se bloque.
Les vents eŅcoutent ā que plainte cre`ve,
Et leur plainte cre`ve.
Il court sa course rouge sans treļ¤ve,
Mon eŅquestre reļ¤ve.
Me`ches dāailerons qui sāemballaient?
Ou saule, au virage?
Tenez ā haut, tenez ā haut les balais!
Vents: rage! A lāouvrage!
Que voila`? Quelle butte carreŅe
Emerge du sol?
Comme si la tempeļ¤te cabrait
Dāun coup cent coupoles.
Chasse couronneŅe: enfin, la pause.
DeŅja` mon front capte
Le feu des fers, deŅja` dans ma paume
Le bord de la cape!
En renfort, avec glaive et tonnerre,
Le Tsar ā Guerroyant!
Mais le cheval se rue et ā tonnerre
Dans lāautel grondant.
Jāavance et traļne, telle une meute,
La troupe des vents.
Les vouļ¤tes ne figent pas lāeŅmeute
Des sabots sonnants.
Messe dāun mort ā rond grondement monte ā
Neige qui vrombit:
Le troļ¤ne est renverseŅ! ā Vide! Monde
Sous terre ā terni!
Geignez, geignez, murmurez ā les murs!
Toi, neige, chahute!
LāeŅcume du cheval rend obscure
Lāaura des chasubles.
Titube une coupole. Oh! croulez,
Gloire et force et foi!
Et mon corps sāeŅcroule, eŅcarteleŅ ā
Les deux bras en croix.
Immense lutte dāarcs-en-ciel: tout
Lustre aura claqueŅ.
Accepte-moi, toi ā si pur, si doux,
Pour nous, crucifieŅ.
A ta main vengeresse, on est lieŅs?
Accepte le feu!
Dāen haut: mais, qui sont le cavalier,
Le cheval, ā les deux?
Lāarmure est sur lui ā soleil qui brille!...
ā Vol abrupt! Volons! ā
La cheval ā droit sur ma poitrine ā
Plante son talon.
Cape de feu ā aux volets sāache`ve.
Galop de feu ā treļ¤ve!
Ni neige vrombissante,
Ni balayage ā balai.
Ni panache emballeŅ, ā
Saule, au virage.
Ses me`ches grises balayeŅes
DeŅmarche balanceŅe, ā sans bec dāaigle
Dāoutre-nue, mais le nez fourreŅ
Dans lāeŅpais nuage dāun chaudron, ā
Une bonne femme ā
Elle a dans les mains ā
Un chiffon.
Verre a` lāenvers sur bouteille pas finie
On laisse ā on y reviendra.
ā En quoi est-ce mon reļ¤ve? Et le reļ¤ve dit:
Ton Ange ne tāaime pas.
Premier tonnerre sur le craļ¤ne ā ou coup dur
Sur le craļ¤ne?! ā Gens! Hola`!
Front rongeant lāoreiller sec: ce coup de dire:
Le premier: Ne tāaime pas!
Nāaime pas! ā Tresses de femme: nul besoin!
Nāaime pas! ā De bijoux rouges: nul besoin!
Nāaime pas! ā Mais sur le cheval ā sauterai!
Nāaime pas! ā Sauterai ā au ciel!
O esprit de mes pe`res, secouez vos chaļnes!
Vacillez, pins seŅculaires!
Eole! O esprit de mes pe`res, mes me`ches
DoreŅes, brouille-les! De lāair!
Sur le cheval blanc, au devant des guerriers
Allons, ā sous la foudre des fers argenteŅs!
Voyons, voyons comment se bat cet altier
Sur le Cheval-Dit-Le-Rouge!
De bon augure: le ciel sāabat!
Lāaube ensanglante mon casque!
Soldats! Jusquāau ciel ā encore un pas:
Le grain croļt sous la caillasse!
En avant ā par dessus le fosseŅ! ā TombeŅs? ā Un rang.
Au suivant ā par dessus le fosseŅ! ā TombeŅs? ā Encore
Au suivant ā par dessus le fosseŅ! ā Le glaceŅ blanc
Des cuirasses, qui sait: sang? Aurore?
Soldats! ā Quel ennemi ā enfoncer?
Dans mon sein un frisson chauffe.
PeŅne`tre, peŅne`tre, eŅpeŅe dāacier,
Un rayon ā sous mon sein gauche.
MurmureŅ: tu es comme je tāai voulue!
RumineŅ: tu es comme je tāai eŅlue,
Enfant de ma passion ā sļur ā fre`re ā future
Sur le glacier ā des armures!
A nul autre ā jusquāa` la fin des temps! Mienne!
Moi, les bras leve`s: Lumie`re!
ā Tu resteras, a` nul autre seras, ā non?
Moi, pressant sur ma plaie: Non.
Pas la Muse, non, pas la Muse,
Ni lāusure des liens
Parentaux, ā ni tes filets,
O AmitieŅ! ā Pas une main de femme, ā
une feŅroce ā
A serreŅ sur moi le nļud ā
ā En force.
Terrible alliance. ā Moi, coucheŅe dans le noir
Du fosseŅ ā Le Lever est si clair ā!
Oh! qui māa fixeŅ ces deux ailes sans poids
A lāeŅpaule ā
Derrie`re?
TeŅmoin muet
Des tempeļ¤tes vivantes ā
CoucheŅe dans lāornie`re,
Je lorgne
Les ombres.
Tant que
Vers lāazur
Ne māemportera pas
Sur le cheval rouge ā
Mon GeŅnie!
Le poeme de la montagne