Aux juifs
Toi, buisson de roses ardentes, qui
Ne tāa pieŅtineŅ, qui ne tāa eŅcraseŅ!
Seul immuable laisseŅ sur terre,
Apre`s lui, par le Christ.
IsraŃl! Ton deuxie`me re`gne
Approche. Vous nous avez payeŅ
De votre sang toutes les oboles:
HeŅros! Traļtres! Prophe`tes, mercantiles!
En chacun de vous ā me ļ¤ me sāil compte son or
Dans son baluchon, pre`s dāune chandelle ā
Le Christ parle plus fort quāen Marc,
Ou Matthieu, ou Jean, ou Luc.
Dāun bout a` lāautre de la terre:
Crucifixion et descente de Croix...
Avec le dernier de tes fils, IsraŃl,
Cāest le Christ que nous enterrons.
Jāaimerais vivre avec Vous ā
Dans une petite ville
Aux creŅpuscules eŅternels,
Aux eŅternelles cloches ā
Avec la sonnerie deŅlicate
Dāune horloge ancienne ā les gouttes du temps ā
Dans une petite auberge de campagne.
Et le soir, quelquefois, dāune mansarde ou lāautre ā
Une flu ļ¤ te,
Et le flu ļ¤ tiste a` la fene ļ¤ tre.
Et de grandes tulipes aux fene ļ¤ tres.
Vous ne māaimeriez, peut-e ļ¤ tre, me ļ¤ me pas.
Au milieu de la chambre ā un poe ļ¤ le de faŃence eŅnorme,
Avec sur chacun des carreaux ā une image:
Une rose ā un cļur ā un bateau ā
Et derrie`re lāunique fene ļ¤ tre:
La neige, la neige, la neige.
Vous seriez coucheŅ ā comme je vous aime: insouciant,
IndiffeŅrent, paresseux.
De temps en temps, le brusque frottement
Dāune allumette.
La cigarette sāallume, sāeŅteint,
Et longtemps, longtemps, tremble a` son extreŅmiteŅ
Un court cylindre gris ā la cendre.
Vous e ļ¤ tes trop paresseux pour la secouer.
Et toute la cigarette vole dans le feu.
Don Juan
A lāaube froide,
Sous le sixie`me bouleau,
Au coin, pre`s de lāeŅglise,
Attendez, Don Juan!
Je vous le jure, sur mon fianceŅ,
HeŅlas, et sur ma vie,
On ne sait, dans mon pays,
Ou` sāembrasser!
Chez nous, pas de fontaine
Et les puits sont geleŅs, ā
Et les Saintes Vierges
Ont des yeux seŅve`res.
Et pour que les belles
NāeŅcoutent pas les vaines
Paroles, ā nous avons
Un tre`s sonore carillon.
Je pourrais vivre ainsi,
Mais jāai peur ā de vieillir,
Et puis, mon beau, ce pays
Ne vous convient pas.
Dans un manteau dāours,
Qui vous reconnaļtrait? ā
Si ce nāeŅtait les le`vres,
Vos le`vres, Don Juan!
Longtemps la tempe ļ¤ te, et les pleurs
De la neige. ā A lāaube brumeuse,
On a coucheŅ Don Juan
Dans un lit de neige.
Ni bruyantes fontaines,
Ni chaudes eŅtoiles...
Sur la poitrine de Don Juan,
Une croix orthodoxe.
Afin que la nuit eŅternelle
Soit plus claire ā pour toi,
Jāai apporteŅ un eŅventail,
Noir, de SeŅville....
Et pour que tu vois
De tes propres yeux, la beauteŅ
Des femmes, ā cette nuit
Je tāapporterai un cļur.
Dormez en paix, maintenant!
De tre`s loin vous e ļ¤ tes venu,
Ici, chez moi. Votre liste
Est comple`te, Don Juan!
Apre`s tant de roses, de villes, de toasts ā
Comment nāe ļ¤ tes-vous pas fatigueŅ
De māaimer? Vous ā presque un squelette,
Moi ā presque une ombre.
Vous avez du ļ¤ recourir aux forces
CeŅlestes? ā Que māimporte! ā Et
Que māimporte cette odeur de Nil
Qui vient de mes cheveux?
Moi ā cāest mieux ā, je vous raconte
Le conte: cāeŅtait en janvier. Quelquāun
A jeteŅ une rose. Un moine masqueŅ
Portait une lanterne. Une voix
Ivre, ā priait et sāemportait,
Pre`s du mur de la catheŅdrale.
Don Juan de Castille, alors,
Rencontra Carmen.
Il est minuit ā juste.
La lune ā un eŅpervier.
ā Tu regardes ā quoi?
ā Je regarde ā cāest tout!
ā Je te plais? ā Non.
ā Tu me reconnais? ā Peut-e ļ¤ tre.
ā Je suis Don Juan.
ā Et moi ā Carmen.
Don Juan avait ā une eŅpeŅe,
Don Juan avait ā Dona Ana.
Cāest tout ce que les gens māont dit
Du beau, du malheureux Don Juan.
Mais aujourdāhui, jāai ruseŅ:
A minuit juste, je suis alleŅe sur la route.
Quelquāun a marcheŅ pre`s de moi,
Il reŅpeŅtait des noms.
Et une eŅtrange crosse ā blanchissait dans la brume...
ā Don Juan nāa jamais eu ā Dona Ana!
Et la ceinture de soie, ā le serpent
Du paradis, ā tombe a` ses pieds...
Et on me dit ā Je me calmerai,
Un jour, la`-bas, sous la terre.
Je vois mon profil hautain et
Vieux, sur le brocard blanc.
Et quelque part ā des gitanes ā des guitares ā
Et de jeunes hommes en manteaux noirs.
Alors, quelquāun, cacheŅ sous un masque:
ā Reconnaissez-moi! ā Je ne sais pas ā
Reconnaissez-moi! ā
Et la ceinture de soie tombe
Sur la place ā ronde, comme le paradis.
Tu es sortie dāune catheŅdrale auste`re et fine
Pour les criailleries de la place publique...
ā LiberteŅ! ā La Belle Dame
Des marquis et des princes russes.
Voici, en cours, la terrible reŅpeŅtition
Du chļur, ā la messe continuera!
ā LiberteŅ! ā Fille de joie
Sur la poitrine folle dāun soldat!
Embrasser sur le front ā efface les soucis.
Jāembrasse sur le front.
Embrasser sur les yeux ā supprime lāinsomnie.
Jāembrasse sur les yeux.
Embrasser sur la bouche ā donne a` boire.
Jāembrasse sur la bouche.
Embrasser sur le front ā efface la meŅmoire.
Jāembrasse sur le front.
Brumes Anciennes de LāAmour
Au-dessus des contours du cap noir ā
La lune ā chevalier dans son armure.
Sur le quai ā haut de forme, fourrures,
Je voudrais: une actrice, un poe`te.
Vaste souffle du vent, ā
Souffle des jardins du nord, ā
Vaste souffle malheureux:
Ne laissez pas trai ner mes lettres.
Ainsi, les mains enfonceŅes dans les poches,
Je suis la`, debout. La route bleuit.
ā Aimer de nouveau, et quelquāun dāautre?
Toi, tu pars, le matin to ļ¤ t.
Chaudes brumes de la City ā
Dans tes yeux. Eh bien, cāest ainsi.
Je me souviendrai ā seulement ta bouche
Et ton cri passionneŅ: ā vivre!
Il lave le rouge le plus lumineux ā
Lāamour. Essayez un peu leur gou ļ¤ t,
Elles sont saleŅes ā les larmes. Jāai peur,
Moi, demain matin ā de me lever morte.
Des Indes, envoyez-moi des pierres.
Quand nous reverrons-nous? ā En re ļ¤ ve.
āQuel vent! ā Salut a` lāeŅpouse,
Et a` lāautre dame, ā aux yeux verts.
Le vent jaloux fait bouger le cha ļ¤ le.
Cette heure māeŅtait preŅdestineŅe, depuis toujours.
ā Je sens, autour des le`vres et sur les paupie`res
Une tristesse presque animale.
Cette faiblesse le long des genoux!
ā Ainsi la voila`, la fle`che divine! ā
ā Quelle lueur dāincendie! ā Aujourdāhui
Je serai la farouche Carmen.
... Ainsi, les mains enfonceŅes dans les poches,
Je suis la`, debout. ā Entre nous, lāoceŅan.
Au-dessus de la ville ā brumes, brumes,
Brumes anciennes des amours.
Je me souviens du premier jour, la feŅrociteŅ des nouveaux-neŅs,
La brume divine des langueurs, et la gorgeŅe,
Lāinsouciance totale des mains, le cļur qui manque de cļur,
Et qui tombe comme une pierre ā ou un eŅpervier ā
sur la poitrine.
Et puis voila`, dans les gestes de la pitieŅ et de la fie`vre,
Une seule chose: hurler comme un loup, une seule:
se prosterner,
Baisser les yeux ā comprendre ā que le cha ļ¤ timent
de la volupteŅ
Est cet amour cruel, cette passion de forc ļ² at.
Rouen
Je suis entreŅe, et jāai dit: ā Bonjour!
Il est temps, roi, de revenir en France, chez toi!
Et de nouveau, je te conduis vers le sacre,
Et de nouveau, tu vas me trahir, Charles VII!
NāespeŅrez pas, prince avare et morose,
Prince exsangue et sans courage,
Que Jeanne nāaime plus ā les voix,
Que Jeanne nāaime plus ā son eŅpeŅe.
Il y a dans Rouen, a` Rouen ā le vieux marcheŅ...
ā Et de nouveau: le dernier regard du cheval,
Le premier creŅpitement du petit bois innocent,
Puis la premie`re flamme des fagots.
Et derrie`re mon eŅpaule ā mon compagnon aileŅ
Chuchotera de nouveau pour moi: courage, Sļur! ā
Quand le sang du bois de mon bu ļ¤ cher
Fera briller les armures dāargent.
Jāai fe ļ¤ teŅ seule la nouvelle anneŅe.
Moi, riche, jāeŅtais pauvre,
Moi, avec mes ailes, jāeŅtais damneŅe.
Quelque part, beaucoup, beaucoup de mains
SerreŅes ā et beaucoup de vins vieux.
Avec ses ailes, elle eŅtait damneŅe!
Et elle, lāunique eŅtait ā seule!
Comme la lune ā seule, sous le regard de la fene ļ¤ tre.
Tu tāes leveŅ pour la Patrie,
Sur ton poignard, tu as eŅcrit ā: Marina.
Jāai eŅteŅ la premie`re et lāunique
Dans ta vie extraordinaire.
Je me souviens: la nuit, un visage aureŅoleŅ,
Dans lāenfer dāun wagon pour soldats.
Je laisse mes cheveux au vent, et
Dans un coffret, je garde les eŅpaulettes.
Le Don
Garde blanche, haute est ta destineŅe:
Le trou noir vise ta poitrine et ta tempe.
Tu combats pour Dieu, ta cause est juste:
Le sable engloutira ton corps douloureux et pur.
Ce nāest pas un vol de cygnes dans le ciel:
Cāest la sainte force blanche qui sāefface,
Qui sāefface comme une vision blanche...
Dernier re ļ¤ ve ā de lāancien monde:
Vaillance, ā Jeunesse, ā VendeŅe, ā Don.
Celui qui en reŅchappe ā va mourir, celui qui en meurt ā
revivra.
Et puis les descendants, au souvenir de ces temps anciens:
ā Ou` eŅtiez-vous? ā La question, comme un coup de tonnerre,
Et la reŅponse, comme un coup de tonnerre ā sur le Don!
ā Quāavez-vous fait? ā Nous avons souffert dans
les tourments,
Puis, fatigueŅs, ā nous nous sommes coucheŅs pour dormir.
Et, dans le dictionnaire, les petits enfants re ļ¤ veurs
Apre`s le mot: devoir, eŅcriront le mot: DON...
Difficile et miraculeuse ā fideŅliteŅ jusquāa` la mort!
La magnificence des tzars ā au sie`cle des places
envahies!
Ames reŅsistantes, poitrines reŅsistantes, ā
Ou` e ļ¤ tes-vous, hommes des temps anciens?!
La licence, comme un Tatar roux, deŅvaste
Et reŅduit en poussie`re lāautel et le tro ļ¤ ne.
Au-dessus des cendres ā les clameurs du festin
De soldats deŅserteurs et de femmes adulte`res.
Je rentre a` la maison ā non comme un imposteur,
Et non comme une servante ā je nāai pas besoin de pain.
Moi ā ta passion, ton repos du dimanche,
Ton septie`me jour, ton septie`me ciel.
La`-bas, sur terre, on me donnait des pie`ces,
On attachait des meules de pierre a` mon cou.
ā Mon bien-aimeŅ! ā Pourrais-tu ne pas me reconnaļtre?
Moi, ā ton hirondelle ā ta PsycheŅ!
Recļ²ois, ma douceur, des guenilles
Qui furent autrefois une chair deŅlicate.
Tout est useŅ, tout est deŅchireŅ, ā
Seules restent encore les deux ailes.
Reve ļ¤ ts-moi de ta splendeur,
Pardonne-moi, sauve-moi, mais
Les pauvres haillons en poussie`re ā
Porte-les a` la sacristie.
Je te raconterai ā la grande duperie:
Je te raconterai le brouillard, quand il tombe
Sur les jeunes arbres et sur les vieilles souches.
Je te raconterai les lumie`res qui sāeŅteignent
Dans les petites maisons ā et le tzigane ā eŅtranger
Venu des lointains eŅgyptiens ā qui souffle dans son roseau.
Je te raconterai ā le grand mensonge:
Je te raconterai le couteau, serreŅ entre des doigts
Etroits, ā les boucles des jeunes et la barbe des vieux,
SouleveŅes par le vent des sie`cles.
Et la rumeur du sie`cle.
Et les bruits des fers, sous les sabots.
On frappe prudemment trois fois.
Tendre ennemi, ami peu su ļ¤ r, ā Tu
Ne me tromperas pas! Tu nāes pas un pe`lerin
Au terme de sa route. ā Cāest ainsi
Quāon frappe au cļur ā pour lāamour.
Cāest ainsi que lāEnfer noir
Baisse les yeux pour frapper au Paradis.
Je suis. Tu ā seras. Entre nous ā un gouffre.
Je bois. Tu as soif. Sāentendre ā en vain.
Dix ans, cent milleŅnaires nous seŅparent. ā
Dieu ne ba ļ¤ tit pas de ponts.
Sois! ā Cāest mon commandement.
Laisse-moi passer, je nāeŅcraserai pas les jeunes pousses.
Je suis. Tu ā seras. Dans dix printemps, tu diras:
ā Je suis! Moi, je dirai: ā Cāest trop tard.
Je mourrai, et ne dirai pas: jāai e Ņ te Ņ . Sans
Me plaindre, et sans chercher de coupables. Il est
Au monde des choses plus seŅrieuses que les orages
Passionnels et les hauts faits de lāamour.
Toi, tu cognais de lāaile a` ma poitrine,
Jeune coupable de mon inspiration ā
Moi ā je te lāordonne: ā Sois!
Moi, et sans sortir de la soumission.
Ces mains, dont lāamoureux nāa pas besoin,
Servent ā le Monde. Et la Lyre
Nous couronne de ce titre glorieux:
Epouse du Monde.
Beaucoup ne sont pas convieŅs au festin royal, ā
Il leur faut alors, pour tout souper, un chant!
Lāamant nāest pas eŅternel, le Monde est eŅternel.
On ne le sert pas en vain.
La Blancheur menace la Noirceur.
Le temple blanc menace tombeaux et tonnerre.
Le juste pa ļ¤ le menace Sodome, non pas
De son glaive ā mais du lys de son bouclier!
Blancheur! Cercle symbolique!
Cuves baptismales! Cheveux blancs fatidiques!
Et les vilains reconnaļtront leur seigneur
A la fleur qui fleurit de ses mains.
Le loup ā nāa peur que de lāagneau, et
La forteresse ne se rend quāa` un ange.
Festoiements ā dans les caves et les sentines!
Il gagne la capitale, le reŅgiment blanc!
Ma journeŅe, le deŅsordre et lāabsurde:
Au pauvre, je reŅclame du pain,
Au riche, je donne, pour sa pauvreteŅ!
Jāenfile dans lāaiguille ā une lueur,
Au voleur, jāoffre ā la clef,
Je mets du blanc sur ma pa ļ¤ leur.
Le pauvre ne me donne pas de pain,
Le riche nāaccepte pas mon argent,
La lueur ne passe pas dans lāaiguille.
Le voleur entre sans la clef,
Et lāidiote pleure a` chaudes larmes ā
Ce jour sans gloire, ce jour inutile.
ā Ou` sont les cygnes? ā Et les cygnes sont partis.
ā Et les corbeaux? ā Et les corbeaux sont resteŅs.
ā Ou` sont-ils partis? ā La` ou` sont les grues.
ā Pourquoi sont-ils partis? ā Pour ne pas perdre leurs
plumes.
ā Et papa, ou` est-il? ā Dors, dors, le Sommeil,
Sur son cheval des steppes va venir nous chercher. ā
ā Ou` nous emme`nera-t-il? ā Sur le Don des cygnes,
ā La`, jāai, tu le sais! ā un cygne blanc.
Les poe`mes poussent,
des eŅtoiles,
des roses,
Et de la beauteŅ
ā inutiles pour la vie familiale.
Quant aux couronnes
et aux apotheŅoses ā
Une seule reŅponse:
ā dāou` cela me vient-il?
Nous dormons ā
et puis, au travers des dalles de pierre,
Lāho ļ¤ te ceŅleste
avec ses quatre peŅtales.
O monde, comprends!
Le chantre ā dans son sommeil ā
DeŅcouvre les lois de lāeŅtoile
et la formule de la fleur ā .
Chaque poe`me ā un enfant de lāamour,
Un enfant eŅternel, deŅmuni de tout.
Un premier-neŅ ā poseŅ pre`s
De lāornie`re, en plein vent.
Lāenfer au cļur, lāautel au cļur,
ā Le paradis et la honte. ā Qui
Est le pe`re? Un tzar, peut-e ļ¤ tre?
Peut-e ļ¤ tre un tzar ā peut-e ļ¤ tre un voleur.
Il nous faut courageusement lāavouer, Lyre!
Nous avions du gou ļ¤ t pour les grands de ce monde:
Pour les ma ļ¤ tures et les drapeaux, les eŅglises, les tzars,
Les bardes, les heŅros, les aigles et les vieillards,
Quand on jure fideŅliteŅ aux royaumes,
On ne confie pas le Pavillon a` tous les vents.
Tu connais le tzar ā reste a` distance du piqueur!
La fideŅliteŅ nous tenait comme un grappin:
FideŅliteŅ a` la grandeur ā a` la faute ā au malheur,
FideŅliteŅ a` la grande faute de la couronne!
Quand on jure fideŅlite au ā Khan,
On ne jure pas obeŅissance a` la horde.
En ce sie`cle, nous nāavons trouveŅ que du vent, Lyre!
Le vent a mis en lambeaux les tuniques, et
Le dernier chiffon flotte sur le Pavillon...
De nouvelles foules, pour de nouveaux drapeaux!
Nous, nous resterons fide`les a` nos serments,
Car ce sont de mauvais chefs, les vents.
Si lāa ļ¤ me est neŅe avec des ailes
Que lui importe les palais et les masures!
Que lui importe Gengis-Khan ou la horde!
Jāai deux ennemis, ici-bas,
Deux jumeaux ā inseŅparables:
La faim des affameŅs ā et la richesse des riches.
Je ne te ge ļ¤ ne pas, je ne te donne
Pas un poison de femme.
Je te donne ma main fide`le ā
La droite, celle qui eŅcrit.
Celle avec laquelle je beŅnis,
Pour la nuit ā ma fille cheŅrie.
Celle avec laquelle jāeŅcris
Ce que Dieu me commande.
La gauche ā est impertinente,
Maligne, astucieuse; tiens,
Je te donne ma main ā ma main
Droite, celle qui est juste.
Pour toi, je noie dans un verre
Une poigneŅe de cheveux bru ļ¤ leŅs.
Tu ne mangeras plus, tu ne chanteras plus,
Ne boiras plus, ne dormiras plus.
Pour que ta jeunesse ā soit sans joie,
Pour que ton sucre ā soit sans douceur,
Pour que la nuit c ļ² a ne marche pas, dans le noir,
Avec ta jeune eŅpouse.
Comme lāor de mes cheveux est
Devenu cendre grise, les anneŅes
De ta jeunesse deviendront
Blanches comme lāhiver.
Tu seras aveugle, ā sourd,
Tu te desseŅcheras, ā comme la mousse,
Tu expireras, ā comme un soupir.
Tzar, Dieu! Pardonnez aux faibles ā
Aux petits, ā aux naŃfs, ā aux peŅcheurs, ā aux
extravagants,
EntraļneŅs dans lāhorrible tourmente,
SeŅduits, trompeŅs, ā
Tzar, Dieu! Dans lāatroce supplice,
Ne tuez pas Stenka Razine!
Tzar! Dieu te le rendra! Nous avons
Eu assez de cris dāorphelins! Assez
De morts! ā Fils de tzar,
Pardonne au Brigand!
Vers la maison paternelle ā les chemins sont divers!
Gra ļ¤ ce pour Stenka Razine!
Razine! Razine! Ton histoire est termineŅe!
Lāanimal rouge mateŅ, attacheŅ.
Ses dents horribles briseŅes.
Mais pour sa vie, sa sombre vie
Et pour sa bravoure absurde,
LibeŅrez Stenka Razine!
Patrie! Source et embouchure!
Et quelle joie! De nouveau c ļ² a sent la Russie!
Etincelez, yeux ternis!
ReŅjouis-toi, cļur russe!
Tzar, Dieu! Cāest la fe ļ¤ te:
LibeŅrez Stenka Razine!
Je nāai plus besoin de toi,
Mon cher, ā non parce que
Tu nāas pas eŅcrit aussito ļ¤ t,
Non parce que tu vas
DeŅchiffrer en riant
Ces lignes eŅcrites avec tristesse,
(Ecrites par moi, seule ā
A toi, seul! ā Pour la premie`re fois! ā
Tu les devineras, sans e ļ¤ tre seul.)
Non parce que des boucles
Fro ļ¤ leront ta joue ā je sais,
Moi aussi, lire a` deux! ā
Non parce quāensemble ā
Sur des majuscules incertaines ā
Vous allez vous pencher et soupirer.
Non parce que, bien ensemble,
Soudain, vos paupie`res se fermeront ā
Mon eŅcriture est difficile, ā
Et, en plus des vers!
Non, cher ami, ā cāest plus simple,
Cāest plus fort quāun deŅpit:
Je nāai plus besoin de toi ā
Parce que, parce que
Je nāai plus besoin de toi!
Non, personne ne le saura ā
Ne pourra et ne voudra le savoir! ā
Combien, dans lāinsomnie, ma conscience passionneŅe
Use ma jeune vie!
Elle māeŅtouffe sous lāoreiller, elle sonne le tocsin,
Elle murmure toujours le me ļ¤ me motā¦
ā Elle transforme en cet enfer trois fois damneŅ
Un petit, un idiot peŅcheŅ veŅniel.
Une eŅtoile au-dessus du berceau ā et une eŅtoile
Au-dessus du cercueil! Et, au milieu ā
Comme un tas de neige bleue ā une longue vie. ā
Bien que je sois ta me`re,
Je nāai plus rien a` te dire,
Mon eŅtoile.
Je confie ce livre au vent
Et aux cygnes qui passent.
Pour crier plus fort que la seŅparation ā
Il y a peu, jāai briseŅ ma voix.
Ce livre, comme une bouteille a` la mer,
Je le jette dans le tourbillon des guerres;
Afin quāil voyage, simplement, de la main
A la main, comme un cierge dans une fe ļ¤ te.
Vent, vent, mon fide`le teŅmoin,
Va dire a` ceux que jāaime
Que chaque nuit, dans mes re ļ¤ ves,
Je fais le chemin ā du Nord au Sud.
Il sāapprochera sans bruit, furtivement ā
Comme minuit dans une fore ļ¤ t impeŅneŅtrable.
Je sais: dans un vaste tablier,
Je vous apporterai une colombe.
Ainsi: je serai sur le seuil, ā immobile!
Avec le poids du plomb ā la honte. Mais,
Lāoiseau dans le tablier sera a` lāeŅtroit,
Et lāoiseau ā sāenvolera, de lui-me ļ¤ me!
Tu observes ma peŅrissable fragiliteŅ
Presque en silence. ā Toi,
Tu es de pierre, ā moi, je chante, ā
Toi, tu es un monument, moi, je vole.
Je sais, au regard de lāeŅterniteŅ,
Le plus tendre mai nāest rien.
Je suis un oiseau, ne māen veux pas, si
Je nāapplique pas pour moi une loi si leŅge`re.
Ne juge pas trop vite: le jugement
Terrestre est fragile! Et que la couleur
Des meŅsanges ne soit pas obscurcie ā
Par la blancheur des colombes.
Dāailleurs ā fais ce quāil te plaļt!
Car, si jāai aimeŅ tout le monde,
Il se peut quāun jour sombre ā
Je revienne a` moi, plus blanche que toi.
Lāun est de pierre, lāautre dāargile, ā
Toute dāargent, moi ā je brille!
Mon affaire ā trahir, mon nom ā Marina,
Moi, ā peŅrissable eŅcume de la mer.
Lāun est dāargile, lāautre de chair ā
Pour eux, tombes et pierres tombalesā¦
Pour moi ā la mer ā et ses fonts baptismaux ā
Et je suis, dans mon vol, ā sans cesse briseŅe!
Ma volonteŅ passe au travers de tous
Les cļurs, au travers de tous les filets.
De moi ā vois-tu ces me`ches folles? ā
Personne ne tirera du sel de terre.
Je me brise contre vos genoux de granit,
Mais, avec chaque vague, ā je ressuscite.
Salut a` lāoceŅan ā a` lāeŅcume joyeuse ā
La haute eŅcume de la mer!
Un co ļ¤ teŅ de la fene ļ¤ tre sāest ouvert.
Un co ļ¤ teŅ de lāa ļ¤ me est apparu.
Ouvrons donc ā aussi lāautre co ļ¤ teŅ,
Et cet autre co ļ¤ teŅ de la fene ļ¤ tre.
Chanson